La preuve blockchain officiellement reconnue en justice
- gdesgrottes
- 2 avr.
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Dernière mise à jour : 2 avr.
Un tribunal vient d'accepter et de reconnaître la valeur probante d'une preuve blockchain dans un contentieux de droit d'auteur.
Les décisions de justice citant la blockchain se comptent sur les doigts d’une main. Et encore portent-elles le plus souvent sur des problématiques de droit des marques (v. CA Versailles, 26 sept. 2024, 21/02133), voire sur un licenciement d’un employé d’une société qui avait levé des fonds via une Initial coin offering (CA Chambéry, 19 janv. 2023, n° 21/02042).
La décision récente du Tribunal judiciaire de Marseille (TJ Marseille, n° 23/00046, 20 mars 2025) est donc inédite à ce titre. Sa portée va cependant bien au-delà : c’est la reconnaissance de la valeur probante de la blockchain qui vient d’être consacrée par la jurisprudence.
Une étape importante pour la preuve blockchain
Certes, une réponse ministérielle avait déjà posé le cadre et souligné que « les preuves issues des chaînes de blocs peuvent aujourd'hui être légalement produites en justice. Il appartient au juge d'évaluer leur valeur probante, sans que celui-ci ne puisse les écarter au seul motif qu'elles existent sous forme numérique » (Rép. min. à QE n° 22103, JOAN Q. 10 déc. 2019).
En pratique, également, dans des situations précontentieuses la preuve blockchain avait déjà été mobilisée et permis, notamment, le retrait de contrefaçon de marketplace, une indemnisation pour une utilisation non autorisée de créations d’un designer freelance de joaillerie ou encore l’obtention d’une ordonnance de saisie contrefaçon par une maison de mode dont les créations avaient été copiées (v. BlockchainyourIP, 25 janv. 2024).
En l'espèce, les faits étaient les suivants : une société reprochait à une autre des actes de contrefaçon de ses droits d’auteur. La société demandeuse à l’action s’appuyait sur deux horodatages blockchain de croquis des vêtements en cause datant de 2021, et invoquait également une campagne sur les réseaux sociaux pour faire reconnaître ses droits patrimoniaux d’auteur. Les faits de contrefaçon reprochés datent pour leur part de 2022.
Les juges du fond donnent raison au demandeur et reconnaissent que « la titularité des droits patrimoniaux d’auteur relatifs aux vêtements Hearts from Alber et Love from Alber au profit de la société AZ FACTORY est établie par les deux constats de l’horodatage Blockchain en date des 05 mai 2021 et 15 septembre 2021 ». L’intégrité et l’antériorité de la création est donc attestée par les deux ancrages.
Qui en annonce d’autres
L’expression « constats de l’horodatage Blockchain » employée par les juges marseillais fait ici référence aux deux constats réalisés par un commissaire de justice pour certifier la validité de la preuve matérialisée par les deux ancrages. En pratique, la société qui réalise ces ancrages propose en effet le recours à un commissaire de justice dans l’hypothèse où un juge ne souhaiterait pas faire intervenir un expert pour attester la valeur probante d’un ancrage. Tant que la preuve blockchain n’est pas encore démocratisée dans les contentieux, cette intervention d’un officier public ministériel délivre en fait ce qui s’apparente à une « assurance confiance » dans la preuve.
Une autre option pour étayer la valeur probante d'un ancrage blockchain est d’avoir recours à un tiers de confiance, numérique cette fois : c’est l’option choisie par Mailstone. Pour délivrer une preuve du contenu et de la date d’envoi d’un email, les empreintes numériques de ces emails sont non seulement ancrées dans la blockchain mais se voient également attribuer un jeton temps (Mailstone est prestataire de service d’horodatage électronique qualifié par l’ANSSI). Cet horodatage électronique vient alors apporte une assurance technologique de l’intégrité du contenu de l’email (message et pièce jointe) et de sa date d’envoi. L'innovation au service de la preuve...
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